Comme beaucoup d'entre vous, j'ai passé une grande partie de ma vie d'adulte dans divers lieux de concours d'obédience. À l'époque, j'avais l'impression que le plaisir n’était de la partie que pour quelques brefs instants d’une journée de concours, et qu’il fallait endurer une quantité considérable d'ennui avant de pouvoir en profiter. Aujourd’hui, en l'absence des événements tels que nous les connaissions, je me rends compte qu'il y avait à la fois de la familiarité et du réconfort dans de nombreux aspects de la compétition qui m’échappaient auparavant. En voici quelques-uns.
- Le bruit de fond constant et discret : les portes des cages qui s’ouvrent et se ferment; les chiens qui gémissent, reniflent et aboient; les conversations chuchotées; l’appel des juges et des compétiteurs dans l’enceinte; les acclamations d'une équipe qui réussit un exercice ou qui obtient un titre convoité; un chien qui fait quelque chose d'inattendu, soit héroïque (il s’arrête avant de prendre le mauvais saut et change de direction vers le bon) ou drôle (il fait un détour pour effectuer un saut lors du coucher sur rappel, puis finalement se couche); le spectateur dont le souffle est coupé ou qui soupire avec empathie, par exemple lorsqu'une équipe qui réussissait si bien l’exercice rate la toute dernière partie. Après plus de 20 ans de compétition, ces sons m'étaient aussi familiers, voire apaisants, que le son des vagues et des mouettes lors de mes promenades au bord de l'océan.
- L'interaction entre l'anticipation et la patience et les défis qu'elles imposent au manieur. Nous avons tous vécu ce type de situation : le temps d’entrer dans l’enceinte est presqu’arrivé, le chien est échauffé jusqu'au stade parfait de préparation, et puis… quelque chose se passe. Peu importe la cause ou la personne qui en est responsable. Le défi pour moi est énorme, et je pense qu’il en est de même pour la plupart d'entre vous : comment NE PAS ressentir un assaut d'émotions négatives, comment étouffer au mieux ou du moins ne pas montrer ces émotions négatives si vous les ressentez malgré tous les efforts; comment et quoi communiquer au chien pour maintenir l'effet d’équipe que nous souhaitons tous présenter lors de notre entrée dans l’enceinte.
- Les nombreuses fois que nous quittons notre siège à répétition pour consulter le tableau afin de voir où les autres en sont, et mesurer les conséquences inévitables sur son propre horaire. N’oublions pas les douzaines de mini-conversations que même les personnes qui ont tendance à se tenir à l’écart comme moi avons pendant qu’on attend et qu’on observe.
- Le défi de contrôler à la fois le chien et soi-même lorsque dans la zone de « concentration maximale » avant la compétition, alors que nous essayons (pas toujours avec succès) de rester courtois et conscient.
- Ces communications silencieuses « juste entre nous » que nous avons parfois avec le juge et qui vont bien au-delà du « je suis vraiment désolée » typique de la façon dont un juge communique gentiment que nous ne serons pas qualifiés dans cette classe. Je parle de lever le regard après avoir pris l'haltère du chien, qui vous regarde avec tant de fierté, et de voir que le juge a une expression que nous avons tous vu des centaines de fois lorsque nous rencontrons ou passons devant des personnes qui sont visiblement enchantées par notre chien. Je parle de la façon dont un juge met momentanément de côté son masque d'impersonnalité pour établir un contact visuel avec nous et rire lorsque le chien fait quelque chose d'indéniablement vilain mais on ne peut plus amusant. Je parle de réaliser qu'aucune de ces communications précieuses n'est une promesse d’un pointage élevé, mais plutôt une démonstration d’une certaine complicité - le fait de savoir qu'elle aussi a vécu des situations semblables.
- La conscience que lorsque dans l’enceinte, il s’agit d’une prestation pour nous tout autant que pour le chien. Bien sûr - le public principal est le juge. Mais nous savons qu'il y a des gens qui nous observent. Dans l’enceinte, je suis très concentrée - je ne vois et n'entends personne à l’extérieur de l’enceinte. Mais je sais qu'elles sont là et qu'au moins certaines d'entre elles (et non seulement mes propres élèves) d’intéressent et veulent apprendre. Ainsi, en tant qu'aînée dans notre discipline, je ressens la responsabilité d'agir d'une manière qui, je l'espère, les aidera et éclairera leur compréhension du sport et leurs efforts. Je parle de montrer comment agir avec son chien de manière positive même s'il commet une erreur; je parle de la façon d'interagir avec les préposés et les juges d'une manière à la fois réfléchie et efficace; je parle de trouver un moyen de démontrer aux nouveaux venus ou à ceux qui souffrent d'anxiété liée à la performance, qu'il est possible de s'amuser dans l’enceinte.
- La contribution des collègues. Cela n'arrive pas dans tous les lieux ou avec tous les clubs. Mais souvent, les félicitations ou la commisération après avoir quitté l'enceinte sont un facteur essentiel pour renforcer la perception que nous ne sommes pas seuls - qu'il y a d'autres personnes qui comprennent, qui observent et qui sont intéressées et engagées.
- La joie de la victoire. Bien sûr, nous aimons tous gagner. Mais gagner ne consiste pas seulement à partir avec un ruban. Même si ne nous sommes pas qualifiés ou classés – nous pouvons et devons prendre plaisir à nos réalisations. Chaque fois que le chien réussit un exercice sur lequel nous avons travaillé - c'est une victoire. Ainsi, quel que soit le résultat, il y a presque toujours des récompenses lors des compétitions.
En relisant la liste que je viens de dresser ci-dessus, je me rends compte que c'est devenu une ode au sport que j'aime depuis si longtemps. Vous vous souvenez de cette ligne de la chanson Big Yellow Taxi :
Ne semble-t-il pas toujours que vous ne savez pas ce que vous avez jusqu'à ce qu’à ce que cela ne disparaisse? Jusqu'à ce que je m'assoie pour écrire cet article, je n'avais pas vraiment reconnu l'importance de ces points que j'avais jusqu'à présent perçus comme irritants mais inévitables. Le dicton « Loin des yeux, près du cœur » est tout particulièrement significatif pour moi maintenant.